Passer au contenu principal

Par Jacques-Alexandre Caussignac

 

Dans quelques semaines, je célébrerai 26 ans d'engagement profond dans les marchés financiers. Je ne suis certainement pas le seul à ressentir que cette récente ère politique figure parmi les plus complexes à naviguer en tant que gestionnaire d'actifs et entrepreneur.

Nos esprits occidentaux ont longtemps été habitués à la stabilité, au libre-échange et à une confiance générale en l’avenir. Ces paradigmes appartiennent désormais au passé. Nous faisons face à une époque où, comme le montre le graphique ci-dessous, les finances publiques sont sous pression tandis que la stabilité politique vacille. Pour une sélection de six pays occidentaux, la ligne orange suit l’évolution de la dette publique en pourcentage du PIB, telle que mesurée par l’OCDE (un indicateur imparfait à l’échelle microéconomique, mais révélateur au niveau macroéconomique). La ligne bleue, quant à elle, représente l’évolution de la stabilité politique selon la Banque mondiale, où un chiffre plus élevé indique une stabilité accrue.

Investir à travers une politique bruyante

 

Ces deux indicateurs pointent dans une direction pour le moins inconfortable : celle d’une instabilité accrue et d’un endettement croissant.

Ma première réaction est d’éprouver de l’empathie envers les ministres des Finances et les chefs d’État, qui tentent de manœuvrer des « navires-nations » d’une main tout en colmatant des brèches de l’autre.

Ma seconde réflexion se rapproche davantage de notre quotidien en tant que gestionnaires de portefeuille : la politique est une source de volatilité au niveau des marchés et d’incertitude au niveau des entreprises dans lesquelles nous investissons. Mais les investisseurs responsables, comme Ciels bleus, doivent composer avec une autre strate de complexité et d’incertitude : la polarisation politique qui s’immisce dans les divulgations des entreprises, les interactions avec les actionnaires et les positions des propriétaires d’actifs.

En effet, nous avons observé des entreprises revenir sur leurs engagements en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), sur leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et plus encore. Nous avons vu des gestionnaires d’actifs et des banques s’éloigner d’initiatives climatiques. Et surtout, nous avons constaté que des propriétaires d’actifs hésitent face à des messages contradictoires ou du greenwashing manifeste — autant de facteurs qui remettent en question leur devoir fiduciaire.

Que peut faire un gestionnaire de placements d’impact face à ces bouleversements du paysage politique? Nous avons eu de nombreuses discussions à ce sujet au sein de notre équipe ces derniers mois, et la réponse est... assez simple ! Cette réponse commence par une question adressée aux propriétaires d’actifs : Devriez-vous vous soucier des inclinations politiques de vos gestionnaires de portefeuille ou de vos autres fournisseurs de services? Ma réponse personnelle est que vous ne devriez pas – à une seule condition : Que votre gestionnaire puisse prouver que sa méthodologie d’investissement est elle-même impartiale.

Prenons un exemple concret : la méthodologie d’investissement de Ciels bleus ne s’appuie sur aucune « nuance de wokisme », de « MAGA-isme » ou de tout autre « -isme » pour éclairer nos décisions. Notre Comité d’investissement privilégie le pragmatisme, la science, le bon sens et une bonne dose de travail acharné. Je vous rappelle que les vétérans comme notre fondateur Michel Brutti et moi-même utilisions exactement ces principes bien avant que l’ESG ne devienne un acronyme.

Nous pouvons donc conclure qu’un paysage de divulgation en constante évolution modifie certes les données nourrissant notre processus décisionnel, mais ne modifie pas le processus lui-même. Nous invitons nos clients (et futurs clients !) à nous “challenger”, ainsi que d’autres gestionnaires, sur notre capacité à nous adapter à cet ensemble d’informations en constante fluctuation. Fidèles à l’ADN de Ciels bleus, nous continuerons à utiliser la même perspective d’impact pour évaluer les opportunités. Nous nous attendons, dans certains cas, à tirer parti des inefficiences qui pourraient découler des images parfois floues que présentent certaines entreprises. Après tout, notre style d’analyse s’enracine dans une longue tradition de lecture entre les lignes des rapports financiers traditionnels, des réflexes qui nous guident également dans l’interprétation des rapports de durabilité.